BRISEÏS
Cutter Camper & Nicholson - 1930
Le premier voilier à moteur électrique
"Les chantiers Camper & Nicholson ont livré l'été
dernier, à M. Louis Renault, un yacht dont les plans ont
été établis par ces chantiers et dont la partie
mécanique et électrique a été étudiée
et réalisée par la Société anonyme des
usines Renault.
Le propriétaire désirait avoir un bateau d'assez faibles
dimensions pour être facilement manœuvré par deux
hommes.
Ce bateau devait être très marin, car il était
destiné à naviguer dans les parages des îles
Chausey, où la mer est souvent dure, mais, néanmoins,
conserver autant que possible les qualités d'un racer, c’est-à-dire
: être rapide sous voiles, manœuvré aisément,
en un mot être "amusant " à barrer.
De plus, le propriétaire désirait des logements suffisamment
confortables pour pouvoir loger éventuellement quatre passagers
et deux matelots.
Le problème ainsi posé était difficile à
résoudre, car la solution ne pouvait résulter que
d'un compromis bien étudié entre les contradictions
contenues.”
“LE YACHT” - Mai 1931
La revue " Le Yacht" de Mai 1931, annonçait au
travers d'un long article la sortie de ce bateau d'exception.
Il y est décrit avec force louanges, et détails sur
une innovation pour l'époque due au génie de Renault :
un moteur électrique de propulsion.
Caractéristiques
CAMPER & NICHOLSON. Cutter Marconi
Année construction : 1930
Modèle unique répertorié sous le N° 136,
Conçu spécialement pour le constructeur automobile
Louis RENAULT.
Longueur hors tout : 14,15 m. Longueur pont : 12,30 m. Maître
bau : 3,00 m. Flottaison : 9,40 m
Tirant d'eau : 1,90 m Tirant d'air : 17,00 m Jauge 9,30 Tonneaux
Poids lège : 12,5 T.
Bordé en teck de Birmanie sur membrures chêne d'Angleterre
riveté.
Mat :17,50 m. spruce 2 étages de barres de flèche
Garde-Robe : Onze voiles :
Moteur Renault Couach in board 55 cv
Historique
Louis RENAULT, le Directeur - fondateur des usines automobile RENAULT
commande BRISEÏS au plus célèbre chantier de
l'époque, Camper & Nicholson, à Portsmouth.
Ingénieur et chercheur infatigable, il le dote d'une motorisation
électrique de son invention. Il ne lésine pas sur
la qualité des matériaux et les compétences,
utilisant ce qu'il y a de plus performant, un magnifique teck de
Birmanie pour la coque, et les équipes de pointe de ses usines
pour la motorisation.
Une absence totale de renseignements sur la période 1936
-1948 laisse cependant penser que le bateau voit son mat en bois
se changer en une perche métallique, et disparaître
le bout-dehors.
Que devient-il pendant la guerre ? À qui appartient-il ?
S'il était encore dans les îles Anglo-Normandes, on
peut rêver qu'il a aidé à l'évasion de
Français vers l'Angleterre ou, au contraire, qu'il a été
réquisitionné par quelque Obersturmbahnführer
pour ses menus plaisirs, peut être les deux ?
Un roman à écrire ?
En 1952, le voilier est racheté par un connaisseur : Gaston
THUBÉ, le champion olympique de voile en 6 mètres
J.I. des jeux de Stockholm. Parent des familles BOLLORÉ et
PINEAU-VALENCIENNE, il invitait sa famille à naviguer sur
BRISEÏS et l’on peut voir sur la photo ci-contre les
neveux, dont l'un deviendra PDG de Schneider, posant dans le cockpit
et sur la plage arrière.
En 1959, BRISEÏS est racheté par Monsieur PALANQUE,
expert maritime, et est transféré en Méditerranée,
à Marseille, dont il ne quittera plus la Société
Nautique jusqu’en 1997.
Il récupère son bout-dehors, et navigue depuis la
côte Provençale dans toute la Méditerranée.
En 1968, il est acquis par l’architecte marseillais Bernard
LAVILLE qui en partagera la propriété avec divers
copropriétaires, jusqu’en 1984.
Sa passion pour BRISEÏS est telle qu’une anecdote mérite
d’être relatée : Confronté à des
problèmes passagers, il vend BRISEÏS et le rachète
six mois plus tard à son propre acheteur.
En 1980, Bernard LAVILLE cède 50 % de ses parts à
un industriel Parisien Alain LEBATARD, parts que Daniel IMBERT acquiert
le 15 avril 1985 à la suite d'un véritable coup de
foudre pour ce bateau
(Voir article de la revue "Loisirs Nautiques").
La vie en copropriété avec Bernard sera exemplaire,
grâce à un contrat très clair et précis,
mais aussi et surtout à notre passion pour ce bateau. Chaque
dérogation acceptée aux termes de la convention était
comme un cadeau à l'autre copropriétaire, formule
souple financièrement qui a l'avantage lorsque l'on s'entend
bien de permettre des navigations plus lointaines, l'un faisant
le trajet aller, l'autre le retour. S'ouvrent alors des horizons
plus étendus que l'Espagne et les Baléares.
Enfin, en 1985, le bateau demandant du muscle, et Monsieur LAVILLE
prenant de l'âge, il me cède la totalité de
ses parts.
J'inaugure cette pleine propriété en faisant participer
BRISEÏS au rallye Tunisien La Grande Motte-El Kantaoui. Les
années suivantes nous verront en Corse, Sardaigne, Minorque.
En 1990, mon bateau remporte le trophée GIC de la dernière
Coupe Phocéa.
Ce sera plus tard la ronde du Frioul, l'hydro's cup avec un équipage
de jeunes de l'École Nationale de la Marine Marchande, etc
Mais un bonheur total est toujours menacé, et le 26 août
1992, un court-circuit sur la vieille installation électrique
provoque un incendie annihilant des centaines d'heures de travail.
Le pont, complètement décollé, était
à refaire (CP, teck, vernis); certains barrots et barrotins
à remplacer; une membrure à doubler; les circuits
12V et 220V à reconstruire (tableau circuits, lampes); les
aménagements intérieurs à reconstituer; toutes
les durites, fils et câbles, tuyaux et faisceaux électriques
du moteur à remplacer; ainsi que les matelas et dossiers;
quatre voiles ont fondues; enfin toute l'électronique et
le matériel de sécurité a brûlé.
J’ai pleuré. J'ai failli tout abandonner!
Après nettoyage, je me suis aperçu que l'essentiel,
la coque était saine et parfaitement intacte, ainsi que les
superstructures, gréements, accastillage, etc... Cela me
redonnant du courage, soutenu moralement par tous mes amis, j’ai
décidé de recommencer et de sauver BRISEÏS.
Après un an et demi de remise en état, BRISEÏS
a repris la mer avec un pont en teck neuf, une nouvelle étanchéité,
des circuits remis en état, le moteur RENAULT COUACH réparé.
Il est vrai que je n'ai manqué en cette occasion, ni d'appui
de mon assurance, ni d'aide amicale, ni de dévouement bénévole,
notamment d’un jeune officier de marine marchande et sa compagne,
d'amoureux de cette coque.
Commence alors pour BRISEÏS, jusqu'aujour-d'hui, une période
de rénovation capitale, notamment de gros travaux de structure,
qui lui redonne une nouvelle jeunesse pour soixante-dix nouvelles
années. Pourquoi pas ?
Chaque été le voit à nouveau sillonner la Méditerranée
et participer à La Nioulargue, au rallye La Grande Motte-El
Kantaoui, au trophée de Port-Grimaud, aux Voiles de Saint
Tropez, à la Latina Cup, au raid Bonaventure, en plus des
manifestations de rade Marseillaise : Vire-vire, ronde du Frioul,
Acampado, rassemblement Avenir Traditions Marines ...
En Tunisie, BRISEÏS servira de cadre de tournage de deux
films publicitaires.
En 1996 il sillonne la rade de Marseille et les îles du
Frioul dans le film de Josée Dayan “Une clinique au
soleil” avec à son bord Pierre Arditi, Evelyne Bouix,
Julie Depardieu, Bernard Verley ...
Il pourrait être à ce jour classé monument
historique sans difficulté, mais son propriétaire
craint, pour l’instant, les contraintes liées à
ce statut, mais aussi et surtout, les démarches à
effectuer.
Le rêve enfin : étudier pour BRISEÏS une nouvelle
motorisation dans l'esprit de celle prévue par Louis RENAULT,
une motorisation électrique, mais avec le bénéfice
de tous les progrès acquis depuis 1930 dans le domaine des
moteurs électriques et des batteries.
Daniel IMBERT cherchant un ou des partenaires passionnés
par ce défi, démontre que ce moyen de motorisation
secondaire est parfaitement adapté à nos voiliers
et à leurs postes d’amarrage équipés
de prises de nos ports, aux recharges possibles par éolienne,
ou dynamo entraînée par l’arbre d’hélice
tournant à vide lorsque le bateau marche sous voile, à
l’entretien des batteries par cellules photo voltaïques
etc ...
BRISEÏS à l’avant-garde de la plaisance du XXI°
siècle ? Pourquoi pas ?
Orientations
Les travaux en cours consistent à rapprocher BRISEÏS
de son état d'origine, en évitant toutefois certains
excès de l'époque qui rendaient ces bateaux difficiles
à manœuvrer seul, voire dangereux (absence de pataras,
les bastaques seules retenant le mat en arrière, bout-dehors
inaccessible, bôme dépassant le tableau arrière).
Autre priorité évidente : motorisation électrique.
Où rencontrer BRISEÏS ?
Sur l’eau, lors des manifestations de vieux gréements.
BRISEÏS, tous vernis dehors, peut se faire admirer sur la panne
des bateaux de tradition à Port Frioul.
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